Dernier jour. Dernière fois que je voyais certaines personnes. Derniers cours de lycée. Je reviendrai dans ce bâtiment la semaine prochaine, pendant six jours et demi. Et je le quitterai définitivement. L'année prochaine, pour la première fois depuis sept ans, je ne ferai pas l'éternel même chemin, dans le Rue aux Cookies. Cette rue pavée, qui sent les croissants et le pain chaud le matin, le kebab et les grillades le midi, l'alcool et la clope le soir. Cette rue pavée si vivante, si animée, où marcher avec des talons est un véritable parcours du combattant.
Tant de dernières fois, et pourtant... et pourtant aujourd'hui, quand je suis partie, seule - attendant que certains partent, mais m'éclipsant avant que d'autres se décident à quitter leurs fauteuils -, et qu'on m'a rappelé que c'était ma dernière journée de lycée... et bien, j'aurais du, comme tout le monde à cette époque de l'année, ressentir quelque chose. La tristesse de laisser derrière moi certaines connaissances, des milliers de souvenirs (ceux de l'endroit où j'ai passé presque la moitié de ma vie), ou bien la joie d'enfin quitter ce lieux, d'aller vers du nouveau, vers l'inconnu.
Mais non. Rien de rien. J'ai haussé les sourcils et tourné les talons, avant que quelqu'un ne se décide à me suivre. Il y avait juste un vide, un grand vide. Quelque chose d'immense. J'avais beau chercher dans les tréfonds de mon âme - pour peu qu'on puisse la fouiller -, rien de rien. Il y a des fois comme ça où je ne ressens rien. Je ne me sens pas vivre. Je suis juste un pantin, guidé par des actions automatiques, logiques.
J'avais envie d'avoir envie.
Que c'était bon. Satisfaire ses envies même les plus simples, sur un coup de tête. Pourquoi n'en suis-je pas capable pour le reste ? A force de les refouler pour pas qu'on ne devine ce que je désire, je ne ressens plus rien. Je suis une coquille vide, et même pas jolie. Et puisqu'il n'y a plus d'intérieur, tout est bon à jeter. Même pas capable de bosser.
*Qu'est-ce qu'on va faire de toi ?*
Vomir les mots sur mon écran. Les livrer tels quels. C'est fou, j'arrive à ressentir quand j'écris. Quand je ris. Je ne suis plus jamais triste, plus vraiment. Juste mélancolique, énervée, consternée. Mais j'ai réussi à éradiquer la tristesse, je crois. A quel prix ?