kukka.lykoori

Faire vrai consiste à donner l'illusion du vrai

Lundi 30 juin 2008 à 22:03

Elle extrayait de ces vitrines argentées les images d'une vie toute en fumées incandescentes :


“Je vis dans une fabrique de verre à rêves. Mon affection s'y cristallise, ma confiance s'y grave. Ce sont des formes dans lesquelles mes yeux aiment à se perdre ainsi que dans un labyrinthe ; ce sont des jeux de lumière qu'un seul rayon fait étinceler de mille éclats ; ce sont, enfin, les arabesques mouvantes de mes illusions de gamine.
J'y erre, les pupilles écarquillées, prenant garde de ne rien érafler de ces cristaux, mais plutôt d'en extraire d'autres de mon cœur creux. Hélas, le temps plonge, étourdissante et vertigineuse chute qui m'entraîne de plus en plus au Pays des Glaces. Et je grandis.
Mes membres s'allongent, je deviens maladroite ; et par ailleurs, le magasin s'approvisionne de plus en plus dans mon âme desséchée. Ainsi, le jour vint où je fis le demi-tour proscrit d'Orphée, et je vis mes créations, autrefois sublimes à mon esprit, prendre des formes immondes, laides. D'un geste pataud, je tentai par réflexe de l'arrêter, mais mes doigts l'effleurèrent de trop près, et le cristal se brisa sur le sol. Les éclats volèrent, et dans mon horreur, j'en heurtais d'autres, des milliers d'autres, et la machine infernale était en marche. En quelques instants à peine, les illusions, les idéaux, les rêves que j'avais peu à peu construits et sur les aile desquels j'avais osé m'envoler s'étaient brisés en mille éclats. Il avait suffit de si peu pour tant détruire. Icare avait cru pouvoir voler, il avait brûlé ses ailes de goudron. Rien n'est plus artificiel que ces espoirs. Rien n'est plus blessant que les tessons qu'il en reste. Tessons qui ont imprimé à vie sur votre peau les cicatrices de ces rêves d'un jour, ces rêves éphémères. Je n'ai plus que d'inutiles larmes à verser pour enfouir ce trésor déchu.”


["Désolée mon amour, j'ai la bouche bien cousue de ces fils barbelés en forme de motus
Où s'accrochent tour à tour mes idéaux perdus, ces mensonges emboîtés
Comme des poupées russes"


(LFDO-Le Crâne Corbeau)]


La poupée évanescente s'avance de ses pieds malformés entre les débris de verre. L'air respire la corruption et le désespoir, les vitrines ont rendu l'âme. Les façades ne sont plus qu'éclats éparpillés sur le sol ravagé. Le soleil brille, pourtant l'atmosphère est sombre et les morceaux de verre pilé ne resplendissent pas. Une chape de désespoir pèse sur la scène, et ses membres de paille ne tiennent pas le coup, il faudrait qu'elle s'asseye, qu'elle se repose, qu'elle... non, car alors elle se blesserait, et les cicatrices imprimées sur sa chair de tissu saigneraient à jamais. Trop de gens se sont déjà perdus dans ce miroir à alouettes, dans ce labyrinthe de glace, dans ce tourbillon d'espoirs éclatés.
Elle se doit de rester debout pour eux, de les relever, de panser leurs plaies, car son cœur disparu dans les décombres d'une vie désormais révolue lui permet de ne pas céder à ces mirages de chaque instant qui l'appellent. Et puisque désormais, tout n'est plus que ruines de miroirs brisés, elle tourbillonne pour faire valser sa tête et oublier ses déceptions, sans prendre garde d'érafler à nouveau des espoirs fraîchement soufflés par son cœur, car tout sera détruit prochainement de toute manière. Et la paume de ses pieds nus s'écorche sur les éclats de rires brisés. Elle forme secrètement des rêves, de fragiles bulles de savon qu'un seul de ces tessons pourrait faire éclater. Elle sait qu'ainsi elle se fragilise, mais jamais elle ne pourra céder.

Pas avant de s'être rendu au Boulevard des Rêves Eclatés.


["Lorsqu'on a perdu toutes ses illusions, il reste encore à perdre l'illusion suprême qui est de se croire sans illusions."


(Claude Roy)]

Mercredi 25 juin 2008 à 20:33

[Ce n'est pas la fin. Ce n'est même pas le commencement de la fin. Mais peut-être la fin du commencement.
(W. Chruchill)]

Voilà. Je fais comme environ 90% de la population de mon âge, je crée un blog. Un blog où des gens, connus et inconnus, circuleront librement entre les vitrines exposées de mes pensées. La plupart ne s'y arrêteront pas, n'y trouvant qu'un ramassis de mots semblables à des débris, et quitteront aussi vite le magasin aux rêves perdus. D'autres, peut-être, songeront devant les sombres éclats que renverront les phrases maladroites tracées par mon esprit, imprimées sur une myriade de pixels.

Mais enfin, le blog est l'action la plus égoïste que l'on puisse exécuter, la plus égocentrique, c'est pourquoi si je le fais, c'est pour moi. Même si votre potentiel passage ici censurera bien évidemment certains mots.

[Les apparences ne sont pas trompeuses... mais incomplètes.]

1er article. Court. Mais peu importe. N'empêche, si ça continue comme ça, je vais bientôt avoir la télé et des Converses...

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