kukka.lykoori

Faire vrai consiste à donner l'illusion du vrai

Mercredi 25 mars 2009 à 23:10

    Voici le premier texte que j'ai écrit pour Psychéphores. Le décor me trottait depuis un moment dans la tête, mais je n'avais jamais eu l'occasion de le mettre sur papier (puis sur écran). Je l'ai remaniée un peu, mais c'est dans une version adaptée de ce monde, représentation chimérique de l'esprit d'une patiente souffrant de troubles dissociatifs de la personnalité, que nous avons fait jouer notre première partie (qui, pour une "bêtatest", et au vu de notre non-expérience de MJ, fut plutôt un succès).




 Un théâtre. Oui c’était un théâtre de marionnettes, scindé en deux par un miroir démesuré. Et, de chaque côté, un pantin. Lequel était le véritable, lequel était le reflet, nul n’aurait sur le dire, pas même le marionnettiste, cruel mais invisible, qui maniait habilement les fils de Cwÿn. Dans son monde, deux corps pour un esprit, et deux esprits pour un corps dans la réalité.

 

D’un des côtés du miroir, les couleurs étaient agressives, violentes, brûlantes : du rouge et du feu s’y opposaient, créant une invraisemblable mais terrifiante cohabitation entre des volcans en éruption et des bouges mal famés. Une atmosphère enfumée y régnait en permanence, mais nul n’aurait su dire si cela venait de la fumée compacte émise par des éruptions incessantes ou des volutes éparses produites par les drogues consommées en abondance. L’ivresse était de mise pour tous, et notamment pour la poupée de bois qui y errait au gré de ses mouvements imposés par le maître du théâtre. Il en allait de même pour la débauche, la luxure, mais aussi la misère. Et tous ceux qu’elle fréquentait si intimement, avec tant d’ardeur, n’étaient pourtant que les chimères de son esprit dérangé.

L’autre côté en était la parfaite symétrie. Ici, les tons sont pastels, doux, anesthésiants même. Tout y est agréable, sucré, presque trop. Les paysages sont faits de vastes prairies, de forêts et de manoirs resplendissants. Tout y est convenu et droit, selon les règles, la loi et la morale. Cependant les gens n’y entretiennent que des rapports purement matériels, artificiels, et surtout dénaturés par les règles qu’ils se sont toujours imposés. On y croit aux beaux sentiments, on les pense forts, on les rêve intense, mais ils ne sont en réalité que de fades espoirs, et ressemblent plus à de l’indifférence bienveillante. Mais là encore, les personnages font partie du décor, et la poupée s’ennuie dans ce monde aseptisé.

 

« J’avance dans l’éternité des miroirs brisés, le sable dans mes yeux brûlés achève de s’écouler. Pourtant je suis restée aveugle, les murs n’ont pu livrer de leurs lèvres gercées que les ruines d’un très grand sablier »
(Arrakeen - Rages)

 

 


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